
11 janvier 2025
Libération a publié ce jeudi 9 janvier 2025 une enquête accablante sur le groupe Bernard Hayot (GHB), géant des Outre-Mer. L'enquête évoque les "profits suspects" de GBH, grâce à des dizaines de documents internes passés au crible. (Photo photo RB/www.imazpress.com)
Le groupe fait l'objet de toutes les attentions depuis la crise survenue aux Antilles en raison de la vie chère. Mais à La Réunion, GBH est bien présent, et représente même 37 % de parts de marché dans le secteur de la grande distribution.
"Marges exorbitantes", "opacité financière", "entorses à la concurrence"… L'enquête de Libération étrille les pratiques du groupe martiniquais.
Grâce au témoignage anonyme d'un cadre, qui affirme que "la consigne est de ne divulguer aucun chiffre à personne, pas même à nos équipes", Libération a pu consulter des dizaines de documents internes.
On y apprend notamment que dans le secteur des concessions, GBH "réaliseraiet une marge nette comprise entre 18 % et 28 %, soit trois à quatre fois celles pratiquées dans l’Hexagone sur les mêmes voitures vendues". "En clair, pour un modèle vendu aux alentours de 20 000 euros, une concession peut gagner plus de 5 000 euros net, même après les éventuelles promotions et efforts commerciaux", précise Libération.
Si le groupe met en avant des frais d’approche, c'est-à-dire les coûts induits de transports et d’importations et d’octroi de mer, ces coûts d’approche "ne représenteraient que 15 à 20 % du prix de vente final, soit l’équivalent de la TVA dans l’Hexagone", affirme le média.
- Implantation à La Réunion -
A La Réunion comme aux Antilles, GBH est partout : Carrefour, Mr. Bricolage, Décathlon, Danone, Total, Renault, Citroën, Toyota, Hyundai, Michelin font partie du groupe.
C'est en 2019 que GBH complète son implantation à La Réunion, avec le rachat de Vindémia. Une transaction validée par l'Autorité de la concurrence, malgré les nombreuses alertes.
"Après avoir pointé un «risque» lié à la concentration, l’Autorité de la concurrence a fini par donner son feu vert au rachat, GBH s’étant engagé à rétrocéder quatre hypermarchés à un nouvel acteur en gage de bonne foi. Une décision confirmée par le Conseil d’Etat", rappelle Libération.
Contacté par le média, "un ancien cadre de l’Autorité de la concurrence en poste à l’époque du rachat de Vindemia concède, sous le sceau de l’anonymat, une certaine "naïveté" de son administration, qui aurait privilégié une "approche purement comptable" à des «considérations stratégiques». La commission d’enquête parlementaire avait également pointé le manque de moyens de l’Autorité de la concurrence dans les territoires d’outre mer."
- Des marges exorbitantes -
"Non, le facteur de l’éloignement des territoires d’outre-mer, n’est pas le facteur principal, c’est bien le modèle économique qui y est en place et ses effets concentrateurs qui est le déterminant majeur", martèle par ailleurs Christophe Girardier dans les pages de Libération, comme il le fait depuis 2019, et qui a réalisé plusieurs rapports pour l’Office des prix, des marges et des revenus (OPMR).
"Le facteur déterminant de la vie chère en outre-mer est en réalité le modèle économique et social appliqué à ces territoires, qui n’a jamais rompu avec les principes de "l’économie de comptoir", où prévalent des situations de domination extrême des territoires, par quelques acteurs à structure conglomérale", écrivait-il, encore, en 2023.
"Au final, l’opération de rachat de Vindémia par GBH, à l’inverse des affirmations de GBH, a conduit objectivement à un renforcement très significatif du niveau de concentration du marché, clairement défavorable au pluralisme concurrentiel", rappelait-il par ailleurs.
Le consultant dénonce dans Libération la "pratique débridée des marges dites arrières" qui "reposent sur le fait, pour les distributeurs comme l’entreprise de Bernard Hayot, d’exiger de ses fournisseurs des remises de prix en fin d’année pour objectifs atteints".
Selon le groupe, elles représenteraient seulement "5 % à 7 %" de son chiffre d’affaires, tandis que Christophe Girardier estime que ses marges arrières peuvent atteindre jusqu’à 25 % de son chiffre d’affaires annuel.
GBH est attendu au tribunal de commerce le 23 janvier prochain après une plainte de plusieurs lanceurs d'alerte pour l'obliger à publier ses comptes annuels.
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